INTERVIEW 2007 (FR)

Jerome Duplessis
par Gilles
pour le site Encordées

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Depuis combien de temps pratiquez-vous le bondage et comment avez-vous commencé ?

Je me suis intéressé aux jeux d’immobilisation lorsque j’étais adolescent mais j’ai commencé à réellement pratiquer le bondage quand j’ai commencé l’aventure captiveculture. En résumé, j’ai une approche sérieuse et régulière de la chose depuis 7 ans. Comme beaucoup d’autres, j’ai lutté avec les cordes, j’ai regardé les photos glanées sur le net et je me suis entraîné : en séance avec des modèles, avec des amies et même, parfois, avec un buste en plâtre. Lorsque j’ai commencé, Il y avait très peu de personnes revendiquant la pratique du bondage en france, je me suis donc débrouillé seul et j’ai petit à petit découvert la méthode qui me correspondait le mieux. Il m’a fallu au moins deux ans à pour faire des choses que je juge correctes : j’avais un problème de méthode mais aussi de matériel. Le bondage, c’est un peu comme la photo : les outils à votre disposition ont une influence sur le résultat … visuellement parlant, bien entendu. La finalité, elle, ne change pas. Ma technique s’est grandement améliorée lorsque j’ai trouvé des cordes en nylon de qualité suffisante pour améliorer les détails et la finition. Finalement, je résume souvent la chose ainsi : pendant les premières années, je stressais sur la corde et je me focalisais sur certaines difficultés. Et puis, un jour, j’ai réalisé que j’avais cessé de réfléchir de manière négative. Le geste était devenu automatique : je ne cherchais plus à me représenter la corde mentalement, je la sentais physiquement et je commençais à suivre mon instinct. Néanmoins, si j’ai assez rapidement acquis quelques certitudes sur l’impact visuel de mes jeux de cordes, je n’étais pas convaincu par ma rapidité d’exécution. Je me suis rassuré en participant au BondCon de Las Vegas en 2004 et j’ai définitivement compris que j’étais sur la bonne voie en travaillant pendant une semaine avec Michael Viking et Rachel Paine l’année suivante. C’est à cette occasion que j’ai découvert le plaisir de travailler avec de la corde naturelle : dès mon premier essai avec de la jute, j’ai obtenu un résultat spectaculaire où la rigueur d’éxécution du bondage nylon se mélangeait avec la liberté créative du shibari. J’avais trouvé mon style et depuis lors, j’ai poursuivi mon chemin en mixant la tradition japonisante et la finition impeccable du bondage californien. C’est ainsi que j’aime le bondage : un mélange de complexité et de beauté que je cherche à capturer à travers mes photographies.

Qu’aimez-vous dans le bondage ? Que recherchez-vous au travers de sa pratique ?

Je suis venu au bondage par goût et par passion. Je me souviens de quelques ouvrages asiatiques qui ont forgé mon univers érotique lorsque j’étais ado. Mais mon addiction s’est accentuée avec la révolution internet au milieu des années 90. Là, j’ai découvert l’univers du bondage californien, une bande de potes qui ont posé les bases d’une industrie. Je fais référence à Mr T. aka Cory Thompson qui est décédé en 2003. Ce garçon m’a donné envie de faire mes propres photos de bondage, à la fois par ce qu’il montrait mais aussi par la manière dont il le faisait. Une qualité irréprochable, un état d’esprit remarquable : le bondage était strict mais jovial à l’image de ces grands enfants que sont les américains. Cory a ensuite ouvert la porte à son ami Jim Weathers qu’on ne présente plus ; ensemble, ils ont réalisé une quantité de photos qui en ont inspiré plus d’un, moi le premier. Amoureux de l’image, j’ai décidé de relever un défi ; être le premier français à lancer un site consacré au bondage, le premier à adapter le modèle américain dans un pays où le simple mot « cordes » faisait trembler les modèles photos de l’époque. J’ai longtemps recherché à m’approcher de la qualité de cette école californienne. Lorsque j’ai eu le sentiment de m’en être approché, j’ai évolué en donnant un zest de french touch à mon univers. Mais on ne pratique pas le bondage en séance photo comme on le pratique dans une sphère privée, c’est très différent. Lorsque j’ai commencé, la seule manière de faire venir les filles au bondage était d’adopter un discours rassurant et pro. Je crois y être parvenu tout comme je pense avoir contribué à normaliser la vision du bondage dans notre pays. Les premières années, quasiment chaque modèle découvrait la sensation d’être attachée dans mon studio. Puis est arrivée ce que j’appelle la génération Dita, ces jeunes femmes qui ont grandi avec l’imagerie glam’ goth, un univers où le bondage est un rêve revendiqué et non plus caché. Les choses ont bien changé depuis que j’ai commencé et ma perception du bondage s’est également modifiée. Lorsque vous pouvez enfin vous concentrer sur l’aspect visuel sans avoir à rassurer constamment la personne que vous attachez, le résultat n’en est que meilleur et la sensation plus agréable. Pour moi, le bondage est une fantaisie, une exploration esthétique mais aussi psychologique : on peut activer beaucoup de leviers chez la personne que l’on attache. Du plaisir à la crainte, de la jubilation à l’humiliation : chacun y cherche et en retire quelque chose, que ce soit conscient ou inconscient. Encore une fois, je fais une distinction entre la sphère privée et la sphère photo. La marge de manœuvre est plus réduite avec un modèle photo qu’avec une partenaire : vous n’avez pas le même degré d’intimité, vous la mettez dans une position de contrainte sans lui donner le confort du cadre intime et, en prime, la situation s’éternise puisque le but premier est de réaliser des clichés et que cela prend du temps. C’est un exercice compliqué qui demande de la psychologie et du doigté. Mais la récompense est toujours la même : le plaisir d’avoir relevé le défi proposé et la joie d’obtenir une vision esthétisante du bondage. Le bondage tel que je le ressens, c’est un challenge où l’on compose avec les différents paramètres du moment. J’ai croisé beaucoup de femmes qui ont cette perception du bondage et c’est sans doute avec celles-là que j’ai accompli mes plus belles réalisations. C’est sans doute pour cela que j’ai un goût prononcé pour la suspension : le challenge est grand et les paramètres en constante évolution. Au contraire de certains autres jeux de cordes, la suspension donne cette impression qu’elle est sans cesse revisitée et qu’elle est sans cesse vécue différemment par la personne attachée.

Quelles sont vos photographies personnelles préférées ? Pouvez-vous nous faire quelques commentaires sur chacune de ces images ?

En 7 ans, j’ai publié plus de 50.000 images : il est quasiment impossible d’en sélectionner quelques unes. Disons que, à l’heure où j’écris ces lignes, j’ai un faible pour les photos suivantes :


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je suis assez fier de l’impact visuel de ce bondage : improvisé, contraignant et torturé … un de mes meilleurs souvenirs pour l’année 2007, une belle séance dans une ambiance très sympathique avec la présence d’un fan venu d’Allemagne spécialement pour m’assister.


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la manière dont j’avais attaché Anaïs était assez simple mais l’usage que j’ai fait du « magic wand » était diablement efficace : j’avais réussi à le positionner de manière à ce que la pression soit constante et implacable, le résultat se traduit par un visuel plein d’érotisme, renforcé par l’absence de nudité même partielle.


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très éloigné de ce qui fut longtemps ma spécialité avec la culture du fond blanc et des teintes claires, j’aime maintenant les ambiances sombres et colorés. Lorsque j’ai commencé mon aventure de webmaster / photographe, je n’avais pas l’intention de me spécialiser dans le bondage mais de couvrir l’univers fetish et les rapports de domination / soumission. Même si j’ai considérablement développé le thématique « rope bondage », j’ai continué de cultiver cet art de la mise en scène que deux femmes savent si merveilleusement incarner lorsqu’elles sont en train de jouer !

Où nos lecteurs peuvent-ils apprécier votre art ?

J’ai commencé par quelques pages persos en 1997. Depuis 2000, mon site principal se trouve à l’url captiveculture.com mais j’ai aussi d’autres sites dont la liste serait trop longue à faire ici. Je n’ai jamais oublié comment l’aventure a commencé et c’est la raison pour laquelle je continue de proposer des galleries et des vidéos gratuites sur mes sites. Et comme il est parfois un peu difficile de s’y retrouver, j’ai synthétisé cette mini-toile sous la forme d’un blog consultable à l’url ilovefrenchgirls.com : j’y recense à la fois les mises à jour de mes sites et les dernières nouveautés que je partage sur des espaces communautaires comme flickr. Nombreux sont ceux qui connaissent mes photos, beaucoup ont oublié que je n’étais pas de l’autre côté de l’atlantique … On me fait souvent la remarque que l’on ne me voit jamais en soirées ou sur des salons. C’est vrai : je ne sors presque plus, principalement par manque de temps. Entre les séances photos, le traitement des images, la gestion des sites et la vie quotidienne, je suis plutôt très occupé. Mais lorsque je vois passer des invitations ou des requêtes sympathiques, je me fais généralement un plaisir d’y donner une suite favorable ! Allez, un petit scoop … peut être que cette année, je me bougerais jusqu’en Allemagne pour le boundcon histoire d’y martyriser l’une de mes victimes attitrées, la fameuse Mina à la chevelure rouge et à la souplesse légendaire !

Où trouvez-vous votre inspiration ? Comment travaillez-vous ?

Comme je l’ai expliqué plus haut, j’ai longtemps cherché l’inspiration du côté de la californie. Mais depuis quelques années, je réponds simplement à l’équation ;suivante : mon inspiration + les capacités de ma partenaire = improvisation totale. Il arrive que certaines personnes me demandent des choses bien précises, une suspension ou un bondage trouvé sur le net, dans ce cas, j’écoute et je reproduis tout en adaptant la chose à ma sauce. En règle générale, je ne sais jamais où je vais lorsque je commence un bondage. J’ai un point de départ et je développe et/ou modifie en conservant cette idée de base. J’aime improviser et laisser libre cours à mon imagination. Suivant l’humeur du moment, je peux obtenir des choses assez basiques, amusantes, ou complètement torturées et légèrement sadiques. L’une des personnalités que j’ai réellement apprécié sur la scène française n’est autre que Mastermind (le maître de Salomé) : ce couple était omniprésent lorsque j’ai commencé à fréquenter le milieu SM et j’adore JP pour son état d’esprit. Je reprends une formule qu’il affectionnait particulièrement à l’époque et qui, je trouve, résume parfaitement notre philosophie. « Je ne suis pas sadique, je suis espiègle ». C’est quelque chose que l’on retrouve dans ma manière de travailler mais aussi dans ma représentation du bondage et de la domination.

En ce qui concerne vos modèles, quels sont vos critères de choix ?

L’expérience peut jouer un rôle déterminant. Mes constructions sont plutôt strictes et réclament une bonne maîtrise de son stress et de son corps. La durée est un élément à ne pas négliger pour les séances photos et l’expérience prend alors toute son importance. Un modèle qui a déjà été attachée sérieusement est plus à même de résister à ce qui lui sera imposé chez moi. Le physique est bien évidemment le critère le plus important et je ne le cache pas : ma représentation visuelle du bondage est liée à un esthétisme emprunt de glamour et de beauté. Je ne sélectionne pas les personnes que je vais attacher parce qu’elles ont envie de l’être, je les choisis d’abord parce qu’elles sont susceptibles d’être jolies devant l’objectif. Le bondage vient ensuite et je me charge de les initier lorsqu’elles ne l’ont jamais pratiqué. Ensuite c’est une question de souplesse, principalement celles des bras. Les jeunes femmes qui ont fait de la danse dans leur jeunesse sont souvent les meilleures partenaires : elles ont appris la souffrance et ont entretenu leur souplesse naturelle. J’ai besoin de tester une seule chose pour évaluer le potentiel d’une femme qui veut pratiquer le bondage : je prends ses coudes dans mes mains et je les ramène dans le dos. Si les coudes se touchent aisément, elle sera une partenaire idéale. Si les coudes se touchent avec une dose de résistance, je peux envisager des choses intéressantes en sa compagnie. Si je ne suis pas en mesure de lui faire accomplir ce geste, alors, les possibilités deviennent moins importantes et nos jeux de cordes seront mois originaux et contraignants. Dernier élement, sa capacité à exprimer sur ce qu’elle souhaite. La génération Dita que j’évoquais plus haut est très intéressante à ce point de vue : ces jeunes femmes n’ont pas peur d’exposer leurs envies et leurs attentes, du coup, les séances de bondage deviennent un lieu d’échange et d’émulation. C’est forcément beaucoup plus intéressant et motivant. Les meilleures séances ne se font jamais avec des partenaires que l’on sent peu réceptives à la situation … même si nous sommes dans le cadre d’une séance photo, il faut que le plaisir soit présent, qu’il soit esthétique, physique ou psychologique.

Quel genre de musique aimez-vous écouter lorsque vous pratiquez ?

Je n’ai pas de préférence particulière. J’aime beaucoup de choses sur le plan musical. Des bonnes et des mauvaises. Enigma est un grand classique pour ce genre d’activités mais en séance, je joue plutôt la carte de la modernité. Un bon mix trance ou techno fonctionne bien dans certaines circonstances. J’utilise souvent la musique comme point de repère temporel. On perd rapidement la notion du temps en séance bondage. Ecouter un album que l’on aime et que l’on connaît parfaitement permet de s’aérer l’esprit tout en visualisant depuis combien de temps votre partenaire est attachée. Au bout de deux heures, il est temps de la détacher … pour commencer un autre set ;!

Y a-t-il quelque chose que vous n’avez jamais fait et que vous aimeriez réaliser ?

J’ai eu la chance d’explorer pas mal de choses dans la mesure de mes moyens. Ce que je n’ai pas encore réalisé est plus lié à l’environnement où à des installations originales qu’à mon imagination et à mes partenaires. Quelques grands classiques faisables si nous avions un lieu et un poil d’équipement : la suspension à un arbre, le bondage dans la neige et la pony-girl … si vous voulez faire de moi un bondageur heureux, vous savez quoi faire. Fournissez moi un lieu tranquille et je m’occupe du reste !

Y a-t-il autre chose que vous souhaitez nous dire ?

Je vous félicite d’être arrivé jusqu’à la dernière question … J’ai répondu de manière assez longue à chaque fois et j’espère que vous y aurez trouvé des choses intéressantes.

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